Un non-lieu a été ordonné le 12 octobre (mais il n’a été révélé par l’Agence France Presse que le 9 décembre) dans l’affaire de la contamination à l’amiante de salariés d’Alstom à Belfort. Un épilogue de 25 ans après une plainte déposée au pénal en 1996 par plusieurs salariés victimes.

A l’origine, une plainte au pénal déposée en 1996 pour notamment homicides, blessures involontaires et empoisonnement par une dizaine de victimes de l’amiante devant le tribunal de Belfort et qui faisait suite au décès de deux salariés. Plusieurs autres victimes ou proche de victimes s’étaient constituées parties civiles par la suite et le tribunal de Belfort s’était dessaisi du dossier au profit du tribunal judiciaire de Paris. Spécialiste des non-lieux en la matière.

Les défenseurs des victimes ne décolèrent pas mais ne sont pas surpris « c’est scandaleux puisque les juges se retranchent sur le fait qu’ils n’ont pas pu dire à quel moment le salarié a été empoisonné par la fibre, à l’instant T. Et en même temps, ils n’ont pu justifier le fait que de savoir quel était l’employeur directement responsable à l’époque » dénonce Jacques Rambur, ex délégué CGT chez Alstom et président de l’association de défense défense des victimes de l’amiante de Franche-Comté (Adevam).

L’Adevam rappelle que l’amiante était utilisée à l’époque dans les ateliers pour isoler des pièces comme les turbines alternateurs. « Tout le monde savait que c’était dangereux. C’est un cas de santé publique et une décision qui ne surprend personne », conclut fataliste le président de l’association des victimes de l’amiante. Pour Jacques Rambur « la justice ne veut pas prendre des décisions qui entraîneraient des sanctions pénales qui enverraient un employeur en prison ».

Rien vu, silence, rien entendre

Les magistrats ont estimé « impossible en l’état des données de la science de donner avec certitude » la date de la contamination des salariés, en raison « des temps de latence globalement très longue de ces maladies ». Ce qui empêche d’engager la responsabilité pénale de ses dirigeants. Il n’y a pas de recours possible selon l’Adevam mais l’association rappelle que les personnes qui sont ou qui ont été touchées par l’amiante ont toujours la possibilité d’ouvrir des dossiers de reconnaissance de maladies professionnelles…

Comment être surpris ? Depuis 1996 tous les artifices sont utilisés soit pour faire que le procès n’ait jamais lieu, soit pour décider d’un non-lieu. Les victimes, les familles n’ont pas besoin de connaître la date et l’heure de la contamination pour souffrir ou connaître le malheur. Si les résultats négatifs qui s’enchaînent laissent tendre vers une certaine fatalité, la maladie qui aurait pu être évitée n’en est pas une. L’autre scandale c’est que le jugement « tombé » le 12 octobre ne soit révélé que le 9 décembre. Est-ce pour cacher que personne ne sort grandi d’un tel mépris ?

Les jugements de non-lieu se multiplient dans l’affaire de l’amiante, un quart de siècle après le dépôt des plaintes. Les politiques avaient couvert les agissements du Comité permanent amiante (CPA) né en 1982. Le lobby des industriels agissait même au-delà de nos frontières puisqu’il empêcha, notamment en 1991, une tentative d’interdiction européenne de l’amiante. « Le choix du CPA était clair : il fallait continuer à utiliser l’amiante et retarder le plus possible son interdiction » concluront même, en 2005, les auteurs d’un rapport sénatorial. Le CPA était à l’origine du concept que « l‘usage contrôlé de l’amiante est techniquement impossible ».

Ce comité favorisant l’usage de la fibre tueuse dont on connaissait la toxicité depuis les années 1920 ne sera dissout qu’en 1995. Bien longtemps après la reconnaissance officielle des dangers de l’amiante, en 1945 par la création du tableau 25 de la Sécurité sociale et l’indemnisation des victimes. Surtout après la création, en 1994, du Comité anti-amiante Jussieu qui lance la bataille contre l’amiante. Il faudra attendre le dépôt des premières plaintes (1996), pour que naisse une réglementation de protection contre les risques d’exposition à l’amiante et la création de l’Association nationale des victimes de l’amiante (Andeva) et qu’enfin le 1er janvier 1997, soit interdit l’usage de l’amiante en France

Source : www.amiantemaladieprofessionnelle.com/