Dans un rapport publié sur la santé au travail, la Cour des comptes déplore la refonte du compte personnel de prévention de la pénibilité décidée en 2017 par le gouvernement d’Edouard Philippe.
Renommé en 2017 « compte professionnel de prévention », en écartant au passage quatre des dix facteurs de risques prévus initialement, le compte pénibilité permet de financer un départ anticipé en retraite de deux ans au maximum, selon les points accumulés. Un dispositif qui n’a concerné tout au plus que quelques milliers de salariés. Soit très peu de personnes au regard des plus de 650 000 qui partent chaque année en retraite.
Depuis sa création en 2015, seulement 6 400 salariés ont demandé à utiliser leurs points pour partir plus tôt en retraite, 1 800 pour un passage à temps partiel, et 600 pour une formation. Même si une montée en charge est prévisible, on est très loin de l’annonce du précédent gouvernement de 10 000 personnes bénéficiaires d’une retraite anticipée par an dès 2018. Fin 2020, un compte avait été ouvert pour 1,8 million de salariés, des hommes en grande majorité.
Le travail de nuit et celui en équipes alternantes sont les deux facteurs de risques qui ont entraîné le plus d’ouvertures de comptes. Les critères de ce compte sont très restrictifs, loin de couvrir toutes les situations qui rendent le travail difficile à tenir. De plus, la pénibilité des professions féminines n’est pas prise en compte. Les critères ont même appauvri le dialogue social autour de ce qu’est la pénibilité du travail. Les risques psychosociaux, qui dégradent tout autant la santé que les risques physiques, ne sont pas non plus pris en compte. Pas davantage les risques chimiques !

Les pouvoirs publics et les entreprises ne prennent pas assez en considération le sort des personnes abîmées par leur activité professionnelle. C’est l’un des constats dressés par la Cour des comptes dans un rapport, publié fin décembre, au sujet des politiques « de prévention en santé au travail ». La haute juridiction suggère même que certaines initiatives prises au début du premier mandat d’Emmanuel Macron ont été contre-productives. Ses appréciations entrent en résonance avec la réforme des retraites actuellement portée par l’exécutif, l’une des priorités affichées étant de renforcer les actions en faveur des salariés qui exercent des métiers éprouvants physiquement.
Les auteurs du rapport reviennent sur des changements décidés en 2017 par le gouvernement d’Edouard Philippe. Celui-ci avait refondu le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), créé sous la législature précédente et critiqué par le patronat, qui y voyait une « usine à gaz » impossible à faire fonctionner. Le dispositif incriminé avait pour ambition de mesurer l’exposition des salariés à dix « facteurs de risques professionnels » (températures extrêmes, travail de nuit, etc.) avec un système de seuils et de points offrant trois possibilités, à terme : partir à la retraite plus tôt, passer à temps partiel tout en conservant sa rémunération, suivre une formation.
Finalement, le pouvoir en place, il y a cinq ans, avait choisi de retirer du mécanisme quatre facteurs (manutention à la main de charges, vibrations mécaniques, etc.) et de supprimer la cotisation afférente au dispositif. Au passage, le C3P avait été rebaptisé, devenant le C2P – pour compte professionnel de prévention – et effaçant le mot « pénibilité », dont M. Macron ne raffole guère quand il s’applique au travail.
Bilan de ces transformations ? Il n’est pas fameux, à en croire la Cour des comptes. En 2019, le C2P avait été utilisé à 4 598 reprises depuis sa mise en place, « ce qui est très réduit ». Le chiffre a progressé sur la période récente, se rapprochant de la barre des 12 000, selon les données diffusées en octobre par le ministère du travail. Mais l’impact se révèle, à ce stade, extrêmement faible.
Le patronat fortement hostile à tout contrôle des conditions de travail dégradées, à tout contrôle sur les graves atteintes à la santé des travailleurs, ne supporte pas que l’on vienne contrôler ce qui se passe au poste de travail. Même lorsque survient la maladie, les cancers directement liés à l’exposition à l’amiante ou aux hydrocarbures, le patronat est arc-bouté pour dégager ses responsabilités devant l’évidence. Le gouvernement Macron ne peut qu’être sensible à ces intérêts.
Sources : www.sante-et-travail.fr(07/2022) ; www.lemonde.fr/(22/12/2022)