« Le dossier est soumis au CRRMP pour une durée d’exposition insuffisance de 2 ans et 7 mois au lieu de 10 ans requis. Les périodes retenues sont celles : aide plombier (10 moi en 1970) et aide monteur (de novembre 1970 à juillet 1972). L’exposition a alors été déterminée ni massive, ni habituelle, ni durable. Un avis du médecin du travail du 16.02.12 ne retient pas l’exposition à l’amiante sur le site de Veauche de 2003 à 2011. Sur le site de la verrerie de Givors entre 1972 et 2003 monsieur D a travaillé comme emballeur (ramassage des pots manuellement puis au palettiseur) puis cariste […] L’exposition au risque n’atteint en aucune façon une durée minimum de 10 ans. Selon l’ingénieur conseil celui-ci au maximum serait de moins de 2 ans de novembre 1970 à juillet 1972. La trop courte durée d’exposition au risque ne permet pas au comité de retenir le lien direct entre le cancer broncho-pulmonaire et la profession exercée. » L’ouvrier à travaillé 39 ans dans les verreries à forte présence d’amiante – où 11 maladies professionnelles liées à l’amiante ont été reconnues, y compris dans des secteurs « froids » – mais le CRRMP ne tient compte que de 2 ans et 7 mois, antérieurs à ces expositions toxiques pour considérer « une durée d’exposition insuffisance ».

C’est la décision du 3e Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) examinant le dossier sur renvoi de la Cour d’appel de Lyon en date du 3 janvier 2017. Dont la décision précisait : « il ressort de l’enquête administrative menée par la CPAM de la Loire que monsieur D. qui a intégré la verrerie de Givors en juillet 1972 a travaillé 7 à 8 ans en qualité de ‘choisisseur’ en sortie de cuisson puis ensuite en qualité de cariste ; il a été amené à circuler régulièrement dans l’ensemble de l’entreprise, y compris en partie ‘chaude’ en raison de ses fonctions de délégué du personnel occupée jusqu’en 2002. Il ressort des nombreuses pièces techniques et attestations de salariés produites aux débats, dont certains ont reçu une attestation d’exposition et bénéficiant d’un suivi médical spécifique, que l’amiante était présente dans les secteurs de production. Il résulte par ailleurs des débats d’audience que les 2 CRRMP visés ci-dessus n’ont pas eu connaissance de l’ensemble des éléments soumis à la Cour. Il convient dans ces conditions de surseoir à statuer et de saisir le CRRMP de Marseille qui devra prendre connaissance de l’ensemble des pièces précitées avant d’émettre son avis. »
La décision de la Cour d’appel de Lyon, demandant au CRRMP de Marseille de « prendre connaissance de l’ensemble des pièces précitées » semblait pourtant claire. Le 3e CRRMP, comme les précédents, n’a que faire des fonctions réelles occupées dans l’entreprise et l’exposition réelle aux risques encourus par la victime. Se contente de reprendre les mêmes termes que ses confrères d’Auvergne Rhône Alpes pour rejeter une reconnaissance de maladie professionnelle – cancer broncho-pulmonaire contracté sur les lieux de travail suite à une exposition à l’amiante.
Il ne s’agit pas d’un cas isolé du refus de reconnaissance des maladies professionnelles. Couramment sont évoqués la durée insuffisante d’exposition, alors qu’une seule fibre d’amiante peut s’avérer mortelle à terme. En 2017, on estimait à 12 000 le nombre de cancers d’origine professionnelle, seulement 1 800 étaient reconnus en maladie professionnelle, dont 1 440 consécutifs à l’amiante.
Selon Santé Publique France, en 2010, 2,6 millions de salariés (2 millions d’hommes et 600 000 femmes) sont exposés aux cancérogènes. C’est à dire 12 % des salariés ; 3,5 % l’étaient à deux cancérogènes et 1,2 % à au moins 3 cancérogènes.
Chaque année, un milliard d’euros est prélevé sur le budget AT/MP au bénéfice du Régime général de la Sécurité sociale pour compenser la sous-déclaration des maladies professionnelles. C’est dire si la dérive de la sous-reconnaissance des maladies professionnelles est préjudiciable à la Sécurité sociale.