En 1824, un jeune souffleur de verre de 24 ans est atteint d’une pleuropneumonie aiguë. Le malade est confié aux soins du docteur HANBURSIN. La syphilis est contractée par les ouvriers verriers, remarque le Dr Viennois de Lyon (1) : « Sur un mode particulier de contagion de la syphilis. Je veux parler de ce mode indiqué pour la première fois par M. ROLLET, en 1859 (2), et qui consiste à prendre la maladie par l’instrument de soufflage du verre appelé canne. »

Plusieurs verriers viennent se faire soigner à l’Hôpital de l’Antiquaille à Lyon. Des faits maintes fois observées à Rive-de-Gier ; mais, sous l’influence d’une doctrine funeste, on les attribuait au mode de contagion ordinaire, c’est-à-dire aux rapports sexuels. La vérité, en effet, ne pouvait être reconnue que lorsque M. ROLLET eut indiqué dans son Mémoire des Archives 1859 le mode particulier de contagion des accidents secondaires, accidents qui, lorsqu’ils transmettent quelques chose, ne transmettent point d’emblée des accidents secondaires comme eux, mais bien la syphilis à son commencement, c’est-à-dire le chancre, le chancre primitif, le chancre induré. Pourquoi, en effet, les verriers auraient-ils une vérole différente de celles des nourrices ou des autres vérolés ? C’est justement cette connaissance, le fondement de la doctrine nouvelle, dont l’Antiquaille à bon droit peut s’enorgueillir en voyant les services qu’elle rend tous les jours, qui a permis de démêler cette année une série de contagions, dont Philippe R., de Givors (Rhône), a été l’occasion.

Maladies des verriers aux XIXe et XXe siècles, ouvrage publié par l’association Genverre en 2013 www.genverre.com

Un second verrier qui a été infecté, VANNIER Claude (3), âgé de 23 ans, natif de Givors, profession de verrier, n’a jamais eu de maladies vénériennes, il n’a pas encore eu de rapports sexuels. Il entre à l’Antiquaille le 26 septembre 1862. Six mois plus tôt il contracta un chancre au milieu de la lèvre inférieure, dont en sent encore la cicatrice indurée ; les ganglions sous-maxillaires sont engorgés des deux côtés ; plus tard, syphilide populo-érythémateuse, alopécie ; à l’accueil, plaques muqueuses au niveau des dernières molaires, à la face interne de la joue du côté droit à la pointe de la langue et à la paroi retro-pharyngienne. Il en a eu au scrotum. Ce malade raconte que huit malades ont contracté comme lui la maladie. Philippe avait servi de grand-garçon à VANNIER. VANNIER sort guéri de l’Antiquaille le 4 novembre 1862.

Il faut que les verriers soient instruits des dangers qu’ils courent dans l’exercice de leur profession. Déjà, depuis que M. ROLLET a appelé l’attention sur cette question, l’éveil s’est donné parmi les intéressés ; deux procès ont eu lieu où les sujets infectants ont été condamnés au profit des ouvriers infectés. Il y aurait encore la visite obligatoire par un médecin de l’établissement ; cette visite est réclamée par les ouvriers eux-mêmes lors de l’espèce d’épidémie dont Philippe R. a été l’occasion.

Mais il faut aller plus loin. On a dû songer alors à un moyen prophylactique efficace, qui peut être introduit dans la pratique sans affecter ni l’amour-propre de certains ouvriers, ni les intérêts de la fabrication. Ne serait-il pas possible, par exemple, que chaque ouvrier eût son embouchure pour souffler le verre, comme les instrumentistes pour jouer de leur instrument ? Un médecin fort ingénieux a proposé un embout individuel à poser sur la canne. Il propose un essai dont il soumet l’idée aux ouvriers : « on peut prévoir le moment peu éloigné où, profitant des conseils des ouvriers eux-mêmes, nous serons en mesure de fournir un appareil préservateur de la vérole pour les milliers d’artisans qui soufflent dans la canne ».

En résumé, la syphilis se développe chez le verrier comme chez tout le monde, mais avec cette différence que le patient ignore ordinairement la véritable nature de son mal, à cause du siège anormal qu’il occupe, et peut dans cette ignorance servir de foyer d’infection dans sa propre famille ou ailleurs. C’est ainsi que chacun des souffleurs de verre purent s’équiper d’embout individuels protecteurs.

Pneumonies et cataractes maladies professionnelles des verriers

Le Dr TERNISSIEN, médecin à Foucarmont (76) dans une communication (4) révèle d’autres risques professionnels chez les verriers. L’action de souffler le verre, porté au rouge blanc, à travers une canne en fer qui n’est que trop bonne conductrice d’un calorique délétère, cette action, entre pour beaucoup dans l’aggravation des pneumonies chez les ouvriers verriers, et cela est si vrai, que l’on remarque parmi les ouvriers tiseurs (ceux qui entretiennent le feu ou préparent le verre) une moins grande tendance à succomber à la maladie. Il ne s’arrête pas aux moyens de prévenir la fréquence de la pneumonie chez les ouvriers verriers en général, et les souffleurs en particulier, d’autres l’ont fait avant lui, mais il rappelle les précautions hygiéniques obligatoires pour tous ceux en général qui travaillent dans un milieu chauffé à une température élevée. Ainsi, ils devront se couvrir, en sortant de leur travail, de vêtements plus chauds, porter de la laine sur la peau, etc. […] La chaleur très vive du four, jointe à la vive couleur du verre en fusion, agit particulièrement sur la vue de ces hommes, l’irrite, et souvent nous voyons la cataracte venir mettre le comble à tous leurs maux. Une des causes de cette altération de la vue pourrait être la gêne et la fatigue que les yeux éprouvent pour fixer le cordon de verre sur le goulot de la bouteille à l’entrée du four.

Sources : 1-Congrès médico-chirurgical, tenu à Rouen du 30 septembre au 3 octobre 1863. 2-Archives générales de Médecine, février 1859. 3-Claude VANNIER °10/07/1839 Givors, de François, 28 ans, commis à la verrerie et de Catherine TONNEAU. 4-Congrès médico-chirurgical, tenu à Rouen du 30 septembre au 3 octobre 1863