Nouveau tour de passe-passe du gouvernement pour financer la réforme des retraites. Une partie des cotisations aujourd’hui affectées à l’indemnisation et à la prévention des accidents du travail et maladie professionnelles, dont la branche est en excédent, pourrait participer à financer le système de retraite, selon les annonces du gouvernement. Les partenaires sociaux estiment, eux, qu’il faut au contraire renforcer la prise en charge des maladies professionnelles.
Souhaitant que « chacun prenne sa part », la Première ministre veut demander aux employeurs une « contribution supplémentaire pour le financement de la retraite ». « Mais nous refusons qu’elle augmente le coût du travail. C’est pourquoi nous baisserons, symétriquement, la cotisation des employeurs au régime des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui est très excédentaire », a-t-elle ajouté. Bruno Le Maire a chiffré cette baisse à 600 millions d’euros. Pour les entreprises, sous l’aspect des cotisations, c’est un jeu à somme nulle. Pour la branche accident du travail – maladies professionnelles (AT/MP), les incidences sont nécessairement d’une autre nature.
Voilà le tour de passe-passe : on baisse les cotisations AT/MP des patrons pour leur faire financer « à somme nulle » la réforme Macron des retraites. Mais les pigeons sont encore une fois de plus les travailleurs victimes de mauvaises conditions de travail !
Oui, la caisse AT/MP de la sécurité sociale est excédentaire, mais on sait pourquoi. Quand en 2017 sont déclarées 110 000 maladies professionnelles, il n’y en a que 48 522 qui sont indemnisées par la caisse. Le reste est supporté par le Régime général de la Sécurité sociale. La caisse AT/MP peut être excédentaire à ce régime-là. Environ deux tiers des « troubles musculo-squelettiques » – les TMS regroupe ou un ensemble de maladies localisées au niveau ou autour des articulations : poignets, coudes épaules, rachis ou encore genoux – correspondant à un tableau de maladie professionnelle ne sont pas déclarés.
La difficulté d’évaluation du risque cancérogène (en cas de pics d’exposition, effets des faibles doses). Ces aspects conduisent à une sous-estimation des cas, entraînant une sous-déclaration et donc une sous-reconnaissance en maladie professionnelle. Seuls 15 à 30 % des cancers professionnels seraient reconnus et l’on estime que plus de 60 % des cancers du poumon et 80 % des leucémies d’origine professionnelle ne seraient pas déclarés et donc reconnus et indemnisés au titre des maladies professionnelles (cf. INCa, Cancers professionnels). Selon une étude de la DARES, publiée le 2 novembre, 783 600 accidents du travail ont été comptabilisés en France en 2019. Au sein de cet ensemble, on recense 790 décès, et seulement 39 650 ont donné lieu à la reconnaissance d’une incapacité permanente.
Cette situation de sous-déclaration est tellement évidente qu’il existe même une commission spécialement dédiée à cette question, et présidée par un magistrat de la Cour des comptes. Elle remet un rapport au gouvernement et au parlement tous les trois ans. En 2021, cette commission a estimé que le nombre d’accidents du travail ou de maladies professionnelles qui auraient dû être déclarés, et reconnus comme tel, représentait une fourchette allant de 1,2 milliard à 2,1 milliards d’euros.
Par ailleurs, il est fréquent que les syndicats pointent l’indemnisation trop faible des maladies professionnelles, au regard des préjudices subis. Une analyse que partage Marion Del Sol, professeur de droit à l’université de Rennes, spécialiste de la protection sociale. « On a déjà un système qui n’est pas très généreux en termes d’indemnisation. On est toujours sur un principe de réparation forfaitaire, qui n’est par définition pas intégrale. », souligne-t-elle.
Une fois de plus c’est sur le dos des travailleurs que le pouvoir entend équilibrer sa politique.
Sourcer : www.publicsenat.fr/ (20/01/2023)