Durant l’Antiquité, le célèbre médecin Hippocrate (460-env. 370 av. J.-C.), qui a notamment permis de poser les fondements de la médecine moderne, repère la nocivité du plomb via les violentes coliques des ouvriers métallurgistes… Si les maladies liées au travail dans les mines sont progressivement documentées par les médecins au fil des siècles, l’ouvrage qui fera longtemps référence dans le domaine est attribué au médecin italien Bernardino Ramazzini (1633-1714). Son Traité des maladies des artisans (De morbis artificum diatriba, publié une première fois en 1700 puis réédité en 1713)… Ramazzini identifiait alors les deux principales causes des maladies préfigurant l’étiologie moderne : la mauvaise qualité des agents chimiques voire biologiques utilisés, et les mouvements violents, irréguliers, ou mauvaises situations des membres induites par le travail…

Écoutons Hippocrate sur ce précepte : « Quand vous serez auprès du malade, il faut lui demander ce qu’il sent; quelle en est la cause, depuis combien de jours, s’il a le ventre relâché; quels sont les aliments dont il a fait usage. » […] mais qu’à ces questions il me soit permis d’ajouter la suivante : quel est le métier du malade ? »… rappelle Julien Vincent, maître de conférence en histoire des sciences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Cette question reste pleinement d’actualité et demeure toujours au centre du combat entre le capital et le travail. L’actualité de 2022 pointe toujours cette réticence à regarder en face les responsabilités.

Les maladies professionnelles reconnues progressent plus rapidement pour les femmes depuis 2001. Quasiment autant de femmes (50,3%) que d’hommes (49,7%) ont déclaré une maladie professionnelle reconnue par la Cnam en 2019. Il s’agit très majoritairement de troubles musculo-squelettiques. En 2019, deux secteurs d’activités totalisent 59,3% des maladies professionnelles pour les femmes : santé, action sociale, nettoyage et travail temporaire, services, commerces et industries de l’alimentation dont supérettes, supermarchés et hypers. Les hommes sont les plus atteints de maladies professionnelles dans les secteurs du BTP et de la métallurgie qui totalisent 49% des maladies professionnelles déclarées et reconnues pour les hommes.

Selon l’enquête Sumer de 2017, l’exposition aux produits chimiques des salariés est notable

Les maladies professionnelles reconnues sont en augmentation très forte et constante pour les hommes et les femmes depuis 2001 : +108%. De 2001 à 2019, elles progressent nettement plus rapidement pour les femmes (+158,7%) que pour les hommes (+73,6%). Il s’agit de maladies reconnues d’origine professionnelle. Or, on sait l’écart considérable entre les déclarations de les reconnaissances par la Sécurité sociale. Nombre de facteurs jouent pour favoriser la non-reconnaissance, les lecteurs de notre site en connaissent nombre de raisons liées au fait que les employeurs se refusent à reconnaître leurs responsabilités et à faciliter la traçabilité des produits toxiques utilisés dans la production.

Henri Bastos, le directeur scientifique santé au travail à l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) peut déclarer en juillet 2022 : « Hormis des bases pour certaines substances (Colchic ou Scola), nous avons un problème d’accès aux données d’exposition, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives. Il y a un enjeu d’accès aux données des services de prévention et santé au travail. Nous travaillons sur les thésaurus d’expositions professionnelles pour que les médecins du travail les codent de la même manière. Heureusement, nous avons l’enquête Sumer qui fait état des expositions françaises ».

Le rapport de la députée LREM Charlotte Lecocq en août 2018 n’a pas favoriser les choses, il pose les bases d’un véritable dumping sécuritaire au nom de la performance globale de l’entreprise.

Source : www.anact.fr/ ; www.actuel-hse.fr/