La commission d’évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, a estimé dans son rapport 2021 que près de la moitié des accidents du travail ne sont pas déclarés dans le secteur privé, du fait de dysfonctionnements de l’Assurance-maladie, et parfois à cause des stratégies de camouflage par les employeurs. Mais aussi des salariés eux-mêmes.
L’enquête SANTPE – publiée par la Dares en août 2022 – a montré que dans les entreprises de moins de 10 salariés de la coiffure, de la restauration et du bâtiment les salariés vont plus mal que ce qu’en disent les données officielles.
L’étude SANTPE résume l’esprit de responsabilité qui préside à l’évitement des déclarations d’accidents. « Parce que les TPE sont structurellement vulnérables aux aléas économiques et au manque de personnel, les travailleurs, dirigeants mais également salariés, veillent à être présents malgré ce que leur corps et les institutions médicales peuvent leur indiquer. L’évitement des faits et des institutions médicales conduit à poursuivre l’activité quelles que soient les modalités. Parce que les travailleurs des TPE savent que l’absence nuit à l’entreprise, à l’organisation du travail, à la qualité du service, aux collègues, au patron/aux salariés voire aux clients ; ils se sentent et, par leur présence à toutes épreuves, se rendent indispensables. Si en se rendant indispensables au travail, ils tirent certains profits symboliques associés à une intégration professionnelle réussie, leur santé physique paie toutefois le prix fort de cette identité professionnelle positive. »
Chute chez les couvreurs, coupure et brûlure en cuisine, allergies et tendinites chez les coiffeurs, jusqu’aux naufrages chez les marins… « Ce sont les risques du métier » est une phrase qui revient souvent pour justifier les accidents du travail des professions très exposées. « De toute façon, on est obligé de le faire, le travail, si on a une douleur on fait avec, ça passe et puis c’est tout », résume un cuisinier de 27 ans.
Le rapport d’études reprenant cette enquête met en évidence que dans la coiffure, la restauration et le bâtiment les travailleurs des entreprises de moins de dix salariés vont plus mal que ce qu’en disent les données officielles. « On a très vite vu qu’il y avait moins d’accidents du travail déclarés dans les TPE, que la santé y était déclarée bonne, alors que paradoxalement on y trouve davantage de risques professionnels, et la prévention est très mal développée », soulève Emilie Legrand, maîtresse de conférences en sociologie et responsable scientifique de SANTPE. Un décalage qui s’explique par le fait que les salariés choisissent souvent eux-mêmes de cacher leurs problèmes de santé.
Elle relève aussi un déficit d’information des salariés sur la santé et la sécurité au travail, et pas seulement dans les très petites entreprises. Par manque de culture de prévention dans leur entreprise, de nombreux salariés ne sont pas au courant des risques auxquels ils sont exposés, ou ignorent que toute lésion survenue dans le cadre du travail est un accident du travail qui doit être déclaré à l’employeur sous vingt-quatre heures.
La précarité dans l’emploi qui s’est développée accroît les raisons de sous-déclaration. La principale raison de ne pas déclarer un accident du travail est la peur des conséquences, en matière d’image auprès de ses collègues ou de ses supérieurs. Craignant un non-renouvellement de contrat ou de mission, les intérimaires ou les salariés en CDD auront tendance à minimiser leurs accidents.
Source : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/ (enquête SANTPE) www.lemonde.fr/ (11/01/2022)