Il y a 20 ans, BSN Glasspack – dont Danone détenait encore 44 % des actions – décidait de fermer la verrerie de Givors afin de rendre la branche emballage plus vendable, avec une meilleure figure de profitabilité. Une rentabilité de 15,5 % ne lui paraissant pas suffisante pour l’unité de production givordine. En 2004, la branche de fabrication de verre creux était cédé au concurrent américain O.I. Manufacturing qui renforçait ainsi son implantation sur le continent européen.
Depuis, Danone a suivi son chemin, volant sous d’autres cieux plus propices à la rentabilité que la fusion du verre pour réaliser des petits pots. Il a préféré les remplir… à la recherche de plus de profits.
Aujourd’hui, après avoir débarqué le « médiatique PDG réputé prôner un capitalisme plus vert et plus social », « Les investisseurs adressent comme principal reproche à Danone de pas avoir assez investi en innovation et en marketing. Le défi de court terme, c’est de relancer la dynamique commerciale et d’innovation en utilisant les économies générées par le plan Local First, sans trop casser la rentabilité ». Les actionnaires lorgnent sur les chiffres dégagés par la concurrence : en 2020, le groupe a dégagé une marge opérationnelle de 14%, contre 17,7% pour Nestlé et 18,5% chez Unilever – ce qui alimentait la défiance des actionnaires. Ce qui nous conduit à un petit rappel historique : lorsque la verrerie de Givors a été fermée, il y a 20 ans, dégageait une marge opérationnelle de 15,5 %… Supérieure à celle de Danone aujourd’hui !

Le groupe devrait se concentrer sur ses « vraies batailles » et réfléchir à se délester de certaines activités, à l’image du « lait sous-valorisé en Russie, au Brésil en Argentine et au Maroc ». Tous les facteurs de résistance en interne sont en train de partir et Danone a récemment annoncé un renouvellement complet de son conseil d’administration sous deux ans, à l’exception du président. Mais pas seulement.
Les bonnes vieilles recette du capitalisme de papa sont mises en œuvre. Le plan « Local First » prévoit un profond remaniement de l’organigramme de Danone. Il implique la suppression nette de 1 850 postes dans le monde dont 425 postes en France d’ici fin 2022, principalement dans l’encadrement. Mais, « l’ampleur sans pareille de cette restructuration fait peser un risque sur la continuité opérationnelle de l’entreprise et la santé des salariés », ont alerté des syndicats de Danone SA pendant l’été. Le groupe escompte 700 millions d’euros d’économies.
Cette fois, la saga Riboud s’achève vraiment. La plus longue partie de l’histoire a été écrite par Antoine Riboud (1918-2002). « Je suis un petit Noël », disait-il, en référence à sa date de naissance, le 24 décembre. L’homme, il est vrai, était né avec un certain nombre de cadeaux dans son berceau. A l’image de son grand-père, un des fondateurs de la Lyonnaise de Banque, sa famille était issue de la grande bourgeoisie de la capitale des Gaules. Mais, dès l’origine, il fut en compétition avec son frère cadet, Jean Riboud. L’énarque, confident de François Mitterrand, fit une brillante carrière dans le pétrole, à la tête du groupe Schlumberger. Le fils d’Antoine – Franck plus financier que le père paternaliste – avait repris le flambeau. Puis avait cédé son poste à un homme du sérail… Mais les actionnaires n’en voulaient plus. Sur le dos des salariés et de la masse salariale en concurrence avec les dividendes. Antoine Riboud, patron social, dit « patron de gauche », proche du syndicalisme réformateur, n’a pourtant jamais hésité à restructurer, à tailler dans les effectifs. Social ou pas, avec la même recette – dégraisser les effectifs – pour dégager des dividendes à la hauteur des exigences des actionnaires.
Source : www.capital.fr/ (10/09/2021)