Voilà une décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation (Jurisprudence Cass. soc., 8 févr. 2023, n° 21-14.451, FP-B + R) qui renforce les combats pour la reconnaissance des maladies professionnelles et l’indemnisation de leurs préjudices.

Le salarié dont le droit à réparation au titre du préjudice d’anxiété est éteint peut néanmoins obtenir des dommages et intérêts au titre d’une atteinte à sa dignité lorsque son employeur a eu recours illégalement à l’amiante.

Lorsqu’une substance toxique a été utilisée illégalement par un employeur, les salariés qui y ont été exposés peuvent-ils obtenir une indemnisation distincte de celle qui répare leur préjudice d’anxiété ? À cette question qui, en creux, lui a été posée, la Cour de cassation a répondu positivement dans un arrêt du 8 février classé « FP-B + R », soulignant l’importance que la chambre lui accorde. Elle retient, à cette occasion, que l’employeur agissant de la sorte porte atteinte à la dignité des employés concernés.

Dans l’affaire qu’elle a eue à juger, des salariés avaient saisi la justice pour demander réparation à leur employeur de l’utilisation de l’amiante, substance qui, depuis le 1er janvier 1997, est interdite en France, sauf dérogation exceptionnelle et temporaire. Or, précisément, ils travaillaient sur le site d’une entreprise de l’industrie chimique qui bénéficiait d’une dérogation l’autorisant à poursuivre l’utilisation de l’amiante jusqu’au 31 décembre 2001. Oui mais voilà, la société a continué à utiliser de l’amiante entre 2002 et 2005, en toute illégalité donc.

L’emploi de l’amiante au-delà de la période légalement autorisée est illégal et pénalement condamnable.

Les salariés demandaient à la justice réparation d’un préjudice d’anxiété résultant de leur exposition à l’amiante. Mais ils invoquaient également un préjudice causé par le manquement de l’employeur à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat de travail, dès lors qu’il a poursuivi la durée de leur exposition au-delà de la durée légalement autorisée.

En appel, leurs demandes ont partiellement été entendues. Les magistrats ont jugé la demande en réparation du préjudice d’anxiété prescrite, donc irrecevable. Dans le même temps, ils ont condamné l’employeur à leur verser des dommages-intérêts pour avoir manqué à son obligation de loyauté, au motif que l’amiante a continué d’être utilisée sur le site de 2002 à 2005, en toute illégalité, et sans que les employés n’en aient été informés.

À son tour saisie, la Cour de cassation approuve la décision attaquée. Les juges du droit posent pour la première fois le principe que : le salarié dont le droit à réparation au titre du préjudice d’anxiété est éteint peut néanmoins obtenir des dommages et intérêts au titre d’une atteinte à sa dignité lorsque son employeur a eu recours illégalement à l’amiante.

Dans un communiqué accompagnant sa décision, la Cour explique qu’« il doit (…) être distingué deux types de préjudices, chacun correspondant à un manquement différent de l’employeur :

– Lorsque l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en utilisant une substance toxique autorisée sans mettre en œuvre les mesures de prévention des risques professionnels adéquates, ses salariés peuvent réclamer l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété ;

– Lorsque l’employeur recourt illégalement à une substance toxique prohibée, commettant ainsi une infraction pénale, son exécution déloyale du contrat de travail porte atteinte à la dignité du salarié, lequel peut alors réclamer la réparation d’un préjudice moral, indépendamment du préjudice d’anxiété ».

Source : www.lexisveille.fr (08.02.2023)