La presse, la télévision révèle le scandale d’une pollution de l’air, du sol, de l’eau et du lait maternel par l’entreprise ARKEMA de Pierre-Bénite (Rhône) et enfin le pouvoir, préfet et ministre bougent. Enfin, parce que ce n’est pas d’aujourd’hui que cette entreprise pollue et ce n’est pas la première fois que le pouvoir politique promet de prendre des mesures. L’entreprise est coutumière du fait et le pouvoir aussi.

Un taux de PFAS (poly et perfluoroalkylées) sur le proche stade 83 fois supérieur à la norme internationale (notamment aux Pays-Bas). Le prélèvement sur le canal usinier qui est lui 36 000 fois supérieur à un prélèvement étalon effectué en amont. L’eau captée à Ternay et Grigny qui alimente les robinets de 200 000 personnes présentant des taux respectivement 4 fois et 2 fois supérieurs à ce même étalon et enfin une présence dans l’air 4 à 8 fois supérieures aux recommandations des Nations Unies. Autant de chiffres qui inquiètent à juste titre. Dans le lait maternel, des taux de PFAS supérieurs à la moyenne des femmes françaises ne laissent pas indifférent.

Les per et polyfluoroalkylées, plus connus sous le nom de PFAS, sont des substances aux propriétés chimiques spécifiques qui expliquent leur utilisation dans de nombreux produits de la vie courante. Extrêmement persistants, les PFAS se retrouvent dans tous les compartiments de l’environnement et peuvent contaminer les populations à travers l’alimentation ou l’eau consommée. Les PFAS, sont une large famille de plus de 4 000 composés chimiques. Antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, les PFAS sont largement utilisés depuis les années 1950 dans divers domaines industriels et produits de consommation courante : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, produits phytosanitaires, etc. (www.anses.fr/).

Des études menées sur des animaux ont montré que l’exposition aux PFAS infligeaient quasi-systématiquement des dommages au foie, aux reins et au système immunitaire. Les tumeurs sont également un constat fréquent et il semblerait que certaines souches de PFAS puissent être à l’origine de cancers et de troubles de la thyroïde.

Arkema à Pierre-Bénite, le long de l’autoroute

Pour les travailleurs d’Arkema, le sujet n’est pas nouveau. Un bon nombre ont été exposés aux perfluorés depuis 40 ans, et sont encore suivis sur le plan médical. Mais, personne n’avait réalisé l’ampleur du problème, ni son impact sanitaire sur une échelle aussi large. La première étude de Santé publique France sur les PFAS a été publiée en septembre. La contamination est généralisée, avec de fortes concentrations pour une personne sur 16, notamment des professionnels « de la construction, la réparation d’automobiles, le bâtiment, la mécanique générale, la maintenance industrielle, l’industrie chimique, la fabrication de chaussures et l’industrie du bois (ébéniste) ». Il est grand temps que les délégués du personnel et les syndicats de l’entreprise entreprennent le recensement des ouvriers et anciens ouvriers tombés malades et éventuellement décédés prématurément de cancers, afin de mettre systématiquement en œuvre des déclarations de maladies professionnelles pour sauvegarder les intérêts des malades et des familles et faire évoluer la réglementation.

Le site chimique de Pierre-Bénite, quelle que soit son appellation, est coutumier de scandales à répétition en matière de pollution de l’environnement. Le 13 septembre 1972, presse : « Après la Saône, le Rhône : X… a de nouveau sévi, le  »fleuve-roi » est pollué en aval de Pierre-Bénite. Trois tonnes de poissons morts recueillies hier » ; Le 10 juillet 1976, l’entreprise PCUK à Pierre-Bénite (Rhône) relâche une vingtaine de tonnes d’acroléine dans le Rhône… trois cent soixante tonnes de poissons morts… le maire intervient sur d’autres pollutions de PCUK.

En prélude au scandale public, l’enquête diligentée par le préfet, sur Arkema classé « Seveso seuil haut », confirme les révélations de l’enquête journalistique. Mais il se contente de prescrire à l’entreprise un « contrôle régulier de ses rejets »… tout en précisant qu’ils « ne sont pas réglementés » ! Autant dire que les travailleurs et la population ont plus grand intérêt à se mobiliser et agir pour préserver leur santé. L’idée n’est pas de trancher entre la santé et l’emploi qui sont tous deux à sauvegarder, mais imposer que des mesures de protection soient établies et respectées, même si la réglementation est défaillante. Pour cela, peut-être faut-il rogner sur les dividendes des actionnaires pour engager les investissements nécessaires.