Après 250 années d’activité débordante, il y a 20 ans jour pour jour, la verrerie de Givors coulait son dernier four, fermait ses portes et liquidait 317 emplois à Givors. Dans une ville industrielle déjà fortement sinistrée. Le groupe DANONE ne cassait pas seulement l’emploi, il laissait derrière lui un sol gravement pollué et des hommes malades. Les verriers constitués en association n’allaient pas pour autant se disperser après les fours coulés. Ils poursuivent le combat.
Les combines politico-financières, qui espéraient régler la liquidation en quelques semaines, se sont plantées. L’unité réalisée autour de l’Intersyndicale CGT-CFDT, avec le soutien de l’encadrement, a tenu la dragée haute à la direction pendant 20 mois. Pendant 20 mois, jour après jour, ont été négocié les livraisons des petits pots contre l’avancée des négociations. Au final, chacun des 317 salariés sacrifiés est parti avec une solution individuelle satisfaisante. Nul n’est resté sur le carreau ! Mais, les Givordins attendent toujours les 630 emplois de remplacement annoncés en grande pompe. Ce n’est pas le cinéma en construction sur les restes du terrain qui les créera.
Par contre, l’entreprise a laissé le terrain gravement pollué à l’arsenic, aux hydrocarbures, au benzène, etc. Elle a aussi laissé les femmes et les hommes qui y ont travaillé gravement malades. L’association des anciens verriers, créée dès avant la fermeture, a révélé les dégâts humains, à partir de 209 réponses aux 645 questionnaires envoyés. Parmi ces réponses on observait 127 malades ou décédés ; soit plus de 50 %. Ce sont 210 pathologies qui sont observées (un même individu pouvant en développer plusieurs). Parmi ces pathologies, on relève 93 cancers, 82 autres pathologies déterminées, 10 autres non déterminées, 11 morts subites et 10 décès dont les causes ne sont pas précisées. Il faudrait aussi rappeler tous les accidents dans la production quotidienne… VMC enregistrait autant de temps d’arrêt pour maladie et accident que pour congés !

En ce 20e anniversaire de la fermeture de la verrerie, l’association et nombre d’anciens verriers et leur famille ont rendu hommage à tous ceux-là ce samedi 14 janvier. Un dépôt de gerbes a eu lieu au pied de la cheminée auquel se sont associés le maire de Givors, Mohammed Boudjellaba et le député de la circonscription Jean-Luc Fugit. Ensuite, tout le monde s’est retrouvé salle Rosa-Parks pour un moment de convivialité au cours duquel a été présenté l’état d’avancement des dossiers pour la reconnaissance des maladies professionnelles. Monsieur le Maire retraça l’historique d’une entreprise née ici en 1749.
Le ministre du travail n’a pas voulu inscrire la verrerie dans les sites industriels amiantés, malgré le rapport de l’inspectrice du travail considérant la fibre tueuse « très présente ». Tribunal administratif, cour d’appel, Conseil d’État se sont alignés sur cette position idéologique. Aujourd’hui, neuf maladies professionnelles liées à l’amiante ont été reconnues. Même pour un informaticien, à priori exclu d’une exposition à l’amiante. Voilà la réponse au pouvoir qui conteste l’amiante à la verrerie ! Voilà la réalité mise en évidence par le combat collectif.
Aujourd’hui, quatorze ans après les verriers enregistrent 16 maladies professionnelles reconnues, soit par la Sécurité sociale, soit par les tribunaux. Même par la Cour de Cassation pour une polyexposition à l’amiante, aux hydrocarbures et solvants – une première nationale. O.I. Manufacturing a été déboutée de son recours. En outre, une leucémie liée au benzène, un cancer cutané lié à l’arsenic, une silicose pulmonaire liée au sable, deux dermatoses liées aux huiles minérales ont été reconnues.
L’entreprise O.I. Manufacturing qui a repris VMC – actif et passif – a déjà été condamnée sept fois pour « faute inexcusable ». C’est à dire pour ne pas avoir protégé la santé des salariés, comme lui en fait obligation le Code du travail. Deux fautes « inexcusables » sont encore en instance devant les juridictions. Fin janvier deux décisions interviendront devant la Cour d’appel de Lyon. Un autre dossier est encore en instruction pour lequel est attendue une date d’audience.
Enfin, il reste le dossier des 60 qui demandaient à la direction la remise d’attestations d’exposition à l’amiante et aux produits toxiques. La saisine date du 11 juin 2013. Bientôt 10 ans ! L’audience viendra en Cour d’appel de Lyon le 26 octobre 2023. Aujourd’hui, de plus en plus de tribunaux condamnent les entreprises pour défaut de remises d’attestations d’expositions aux produits toxiques. En sera-t-il de même pour les verriers de Givors ?
Quelle que soit la décision, dès aujourd’hui les verriers de Givors peuvent considérer que les combats perdus d’avance sont ceux que l’on ne mène pas.